DE LA NUDITE

Publié le par scape

Bon, il faut bien vous l'avouer, il y a un certain plaisir, le matin, alors que le café ne fait pas encore son effet, et qu'une barre bien rectiligne vous scie en deux le front, de se retrouver sur le quai du métro, et s'arrêter le nez en l'air devant une affiche de trois mètres par quatre telle que celle-ci.

Le métro parisien cache parfois bien son jeu, en vous réservant quelques surprises visuelles au détour d'un couloir.

Vous voilà entassé sur le quai, un journal à la main sur lequel vous n'arrivez pas à vous concentrer, respirant à pleines narines le déodorant de la dame d'à côté, sans pouvoir détacher votre regard du mollet puissant qui se trouve au niveau de votre champ de vue, pile poil juste en face....

Il fait un peu chaud déjà sur ce quai, et le métro qui n'arrive toujours pas..... Remarquez, il a l'air de faire chaud aussi dans ces vestiaires, pas un n'a voulu enfiler un tee-shirt, non, rien que des sous-vêtements quelque peu seyants, sur une brochette de garçons luisants d'efforts.

La dame d'à côté regarde sa montre à intervalles réguliers et l'on palperait presque son ennervement grandissant à l'encontre de la rame qui ne se décide toujours pas à faire son entrée. Peu à peu la station est noire de monde, et la température semble monter encore d'un cran.

A force d'être collés l'un contre l'autre quasiment, la dame finit par observer la fixité de mon point de vue, et à son tour, pose les yeux sur la fameuse affiche.... Un petit hochement de tête me signale qu'elle apprécie, elle aussi, à leur juste valeur, la petite tenue dans laquelle ces beaux gaillards s'offrent.

Ses joues rosissent, et en croisant mon regard, elle ne peut s'empêcher de sourire.....

Malgré le déodorant, je crois que nous venons de trouver un terrain d'entente..... Imagine-t-elle son mari dans de telles tenues, le corps massif, le muscle bandé, la position faussement nonchalante.... en tout cas, je la vois rapidement noter dans un petit carnet la marque des sous-vêtements en question.... et là c'est moi qui ne peux m'empêcher de sourire.....

Le métro arrive enfin, et la dame et moi nous trouvons entraînés dans le mouvement de mise en boîte de sardines.... Les portes finissent par se refermer.

L'affiche s'éloigne rapidement de nous, la dame range son carnet.

Ce type d'affiche est sans conteste un moyen d'atténuer les tensions. La RATP l'aura sûrement compris....

La nudité devient finalement assez conformiste. Au-delà de cette affiche, je ne suis pas assuré du même résultat si les corps présentés n'était pas aussi formatés. Et pourtant, je regrette qu'une fois de plus la publicité n'ait que cette vision-là à nous soumettre.

Sans partir dans une nouvelle diatribe sur la dictature physique et corporelle que l'on nous impose jour après jour dans tous les médias possibles, j'aimerai juste continuer à croire qu'être différent est possible.

Je ne boude pas mon plaisir, il ne faut pas exagérer quand même, ni être plus royaliste que le roi..... ces garçons sont  somme toute très agréables à regarder.... mais plus je regarde autour de moi, plus j'observe, et force est de constater que tout le monde n'a pas le corps musclé et huilé ainsi mis en valeur.

Et finalement, il faut bien le dire, et le dire bien haut, c'est dans cette différence et ce pluralisme, que l'érotisme est le plus fort.

 

Publié dans Marge

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
H
Je dois être un peu décalé, pour moi une belle carrosserie sans la lumière d'un visage n'est rien.En revanche, un regard, un sourire, et les imperfections physiques deviennent des atouts supplémentaires.Bon, s'il y a les deux...
Répondre
J
Si cette femme éprouve le besoin de noter le nom de la marque des sous-vêtements en question, cela ne signifie-t-il pas, au-delà de la remarquable rencontre que tu nous as relatée ici, l'échec commercial de cette publicité ? Il reste que pour moi, l'essentiel est bien dans ce "téléscopage" émotionnel de ce matin-là...
Répondre
P
c'est que, hormis la brillance et la peau mate, les beaux corps sont légion. pour aller deux fois par semaine à la piscine, j'en témoigne et la vue participe aussi à mon plaisir d'enchaîner l'une après l'autre les longueurs. cependant, la beauté, c'est d'abord celui qu'on aime, celui dont la peau m'électrise, celui qui me fait rire et m'emmène si loin dès qu'il me touche. la beauté, ce n'est peut-être pas que l'Oréal ou Gabbana.
Répondre