HASARD
Hier matin, j'ai ramassé une carte à jouer sur le trottoir. Les bords en sont un peu cornés et la poussière de la rue en avait sali les couleurs. Elle était là seule, dépossédée.
Pas d'autres cartes en vue. Echappée d'une poubelle ou d'une poche, le hasard a voulu que le vent la dépose à cet endroit précis.
Sans la retourner et en découvrir la figure, j'échaffaude mille possibilités, mille envies ou mille futurs.
Pique, je continue mon chemin.
Carreau, je fais demi-tour.
Trèfle, je choisis une autre destination.
Coeur, je rejoue...
Soudain, j'entrevois l'infini du jeu et l'option d'une vie qui vacille.
Jouer sans cesse pour avancer, ne surtout rien prévoir car la prévision est statique.
Sentir le vide et vos pieds qui se dérobent.
Sentir le vent et suivre son souffle sans même réfléchir, ne pas se retourner et guetter le signe suivant.
Je laisse glisser la carte sans même la regarder, mais je sais déjà qu'elle se pose à nouveau face contre terre sans découvrir le moindre de ses secrets. Je laisse le hasard disposer ses fruits encore une fois. Mes opportunités sont paysage dont l'horizon se noie.
Je reprends mon chemin en me détournant de la carte.
Quelque part sur mon dos se trouve déjà la marque.
Je suis "L'Homme-Dé".